Virgen Maria : Une féminité en mutation

ART

Musicienne, performeuse, chanteuse, mais aussi travailleuse du sexe, Virgen Maria (Maria Forqué) est une artiste ultracontemporaine éminemment protéiforme.

Virgen Maria utilise son corps comme médium privilégié pour s'exprimer. Il est modifié physiquement par la chirurgie : foxy eyes, taille fine, pommettes saillantes seins fesses et levres gonflées au maximum.

Son hyperféminité brouille l'esprit du spectateur, passant de l'effroi au désir. Ces ressentis nous invitent à nous questionner sur nos modes de construction de pensée dans une société qui fétichise constamment la femme. D'autant plus que Virgen Maria est travailleuse du sexe, s'axant dans le sillage de femmes comme Annie Sprinkle, militante porno féministe des années 80' ou encore Orlan avec sa performance, Le Baiser de l'artiste pour la FIAC de 1977. Ces femmes décloisonnent les frontières entre art et sexe.

L’artiste explore ainsi une identité affirmée, non hétéro-normée loin du modèle de la femme sage et pudique. Comme une vision liée à l'illustre iconographie d'une Vierge Marie, de l'immaculé conception qu'elle s'amuse à reconfigurer, pour une version sans concession et sacrificielle, offrant son corps en proie au public des masses média pour la rédemption de l'humanité.

"The three things most important to me are spirituality, sex and music - they are the holy trinity." Cette notion de sacré est au coeur de son travail. De par son nom d’artiste et également par ses Dj sets performatifs, dans un genre de techno méditative aux sonorités reggaeton au cours desquels elle « Blex » son audience.

Un néologisme exprimant l'idée de Bless through Sex dans les clubs qu'elle considère comme des églises. Christophe Bourseiller explicite cette idée dans son livre Les Forcenés du désir, mettant en parallèle body-art et chirurgie, « L'une et l'autre ont entrepris de se blesser pour se diviniser, pour devenir œuvres d'art. »

En s'utilisant pour faire de l'art, elle devient de fait oeuvre d'art donc sacré, sainte.

Outre la liberté du corps divinisé et modifié physiquement, elle opère ici la transcendance d'une condition humaine par l'usage d'outils numériques. Membres défragmentés, multipliés ou atrophiés lui permettent de questionner les notions d'animé et d'inanimé, d'humain et de non-humain, pour atteindre un trans humanisme. Futur proche dans lequel la technologie aura rebattu les cartes, pour proposer une version inquiétante de l'homme dans un faire-corps avec la machine.

À Paris, nous avons notamment pu la voir se produire à la galerie La Botica en novembre 2022 pour une performance en collaboration avec Filip Custic au cours de laquelle leurs deux corps, couverts de rubans liés à leurs peaux par des anneaux, fusionnent dans des poses contorsionnées. Une fois parfaitement unis, une voix annonce dans la salle que le public à 5 minutes pour interagir avec la « sculpture vivante ». Ils viennent donc utiliser l'énergie du public dans une tension entre présence, encouragements, pour dépasser le surmenage de leurs corps . Cette oeuvre vivant n’est sans rappeler la performance Relation In Time, 1977 de Marina Abramovic et Ulay, durant laquelle ils fusionnent par leur cheveux et questionnent la notion d’épuisement.

Ainsi, Virgen Maria adopte une figure subversive et polysémique de la féminité et du corps, pour en proposer une redéfinition. Elle, qui pourtant incarne plastiquent l'image de la stupidité liée à la femphobie réactionnaire, a su, à travers ses réflexions et ses références, réussir à s’imposer sur la scène contemporaine parmi les artistes qui la façonnent.

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