Mythe de la parisienne

© Photo : Passy CœurNoir

La parisienne c’est cette femme de la ville lumière, à l’allure chiquement négligée, au caractère pondérée d’une nonchalance du fait de sa vie rythmée. Intellectuelle et séductrice, elle se veut à la fois snobe et accessible. Souvent, elle est définie comme une jeune belle brindille à la peau laiteuse. On a l’image d’elle courant les rues du beau Paris, au café avec ses amis, une cigarette à la main et passé 19h, un verre de vin rouge l’accompagnera pour ses soirées mondaines endiablée. Une figure culturelle ancestrale ou un produit marketing au phénomène mondial ?


Comment un tel mythe à pu naitre ? Paris est LA capitale de la mode, du luxe et de la Haute Couture. Paris a cette renommée mondiale depuis des siècles. C’est aussi une capitale culturelle. Il en va de soit que les habitants de cette ville soit en accord avec ce qu’elle reflète. La parisienne serait donc la personne aux antipodes de la provinciale.

© Photo : Passy CœurNoir

La création de cette figure féminine et cette idéalisation de la parisienne a débuté dans la littérature avec Julie ou la nouvelle Héloïse de Rousseau. Il publie en 1761 ce roman qui met en scène comme personnage principale une jeune femme, Julie, qui ne cèsse de depenser dans les plus beaux vêtements et parures de l’époque pour évoquer sa place au sein de la société. Dans le roman, on la surprend à parler de ces “parisiennes” au personnage de Saint Preux : "Toi qui me parlais des Valaisannes (Valais, canton Suisse) avec tant de plaisir, pourquoi ne me dis-tu rien des Parisiennes ? Ces femmes galantes et célèbres valent-elles moins d'êtres dépeintes que quelques montagnardes simples et grossières?" À quoi il réplique, "Il me faut donc te les dépeindre, ces aimables Parisiennes... menues plutôt que bien faites, elles n'ont point la taille fine... Je n'aurai jamais pris à Paris ma femme ou même ma maitresse, mais je m'y serai fait volontiers une amie, et ce trésor m'eût peut-être consolé de n'y pas trouver les deux autres. " Ceci représente les prémisses de ce qui deviendra un mythe incontournable. C’est au XIXème siècle que l’image de la parisienne est en plein essor. En effet, c’est à cette période que la gente masculine se tourne vers le dandysme : les femmes se doivent donc d’être “à la hauteur”, de rayonner à leurs bras en se cachant par les vêtements leurs rangs sociaux. Balzac dépeindra ces femmes dans Splendeurs et misères des courtisanes, représentée par le personnage d’Esther et notamment un tout autre genre de femmes : les prostituées. Zola en fit de même avec Nana, qui met en cène une “cocotte” (définie, sous le Second Empire ou à la Belle Époque comme une femme qui vit de services sexuels rémunérés, mais qui n'est pas ou plus enregistrée comme prostituée par la police) qui attirent les hommes de la Haute et du pouvoir sous le Second Empire. La confusion est rapide : la figure de l'élégante parisienne est mêlée aux cocottes, qui finalement séduisent tout autant. Elle est décrite par la suite par Musset, dans À une parisienne, plus frivole, insensible, distante et capricieuse qu’élégante.

© Photo : Passy CœurNoir

Par la suite, des réalisations cinématographiques, les mettant en scène voient le jour comme avec Catherine Deneuve dans Belle de jour (Luis Buñuel), Brigitte Bardot dans Une Parisienne (Michel Boisrond), Gabrielle Chanel interprétée par Audrey Tautou dans Coco avant Chanel, Marine Vacth dans Jeune et Jolie (François Ozon), Jean Seberg dans À bout de soue et Anna Karina dans Une femme est une femme ( Jean-Luc Godard). C’est dans les années 50-60 que la figure de la parisienne s’arme d’autant plus avec les égéries, idoles, muses venant souvent du cinéma comme Brigitte Bardot, Jane Birkin, Catherine Deneuve, Delphine Seyrig et Françoise Giroud. Par la suite, c’est les égéries de la maison Chanel deviennent presque toutes des “parisiennes” comme Inès de la Fressange, Carla Bruni, Caroline de Maigret et bien d’autres (toutes ne venant pas de Paris). C’est l’âge d’or des parisiennes, qui est exposé mondialement. Il existe des récits illustrant la parisienne ou des manuelles pour devenir parisienne, comme celui d’Ines de la Fressange, l’ultime icône de la parisienne, qui a rédigé La Parisienne, deux livres de “conseils” où elle donne ses “secrets” pour avoir le style adéquat, et être dans les endroits où où il faut être vu. C’est pour elle, un livre “serviciel”, au service des autres pour s’apparenter à une habitante de la capitale. Tout comme le livre How to be a Parisian wherever you are rédigé par Caroline de Maigret et ses 3 copines... un best seller au États-Unis. Le marketing a tenté de mettre dans la tête du consommateur une image figée de cette dernière. Elle a inspiré les marques mais aussi les étrangers, tentant temps bien que mal de lui ressembler. C’est devenu un produit marketing, un objet de consommation mondialisé, utilisé et réutilisé par des marques comme L’Oréal, Nivea, Bourjois, Perrier... Cette façon de s'appreter pour les étrangers, comme on a pu le voir dans la série Emily in Paris, c’est porter du Chanel et d’aller chercher notre croissant chaques matins. Le vestiaire de la parisienne serait donc très simple, constitué de “classiques” comme une petite robe noir, une marinière, une chemise et blazer légerement oversized.

© Photo : Passy CœurNoir

Alors que la parisienne c’est finalement ne pas essayer de ressembler à, ne pas tenter de s’apprêter comme, c’est une attitude. Son aura a su envoûter tous les pays depuis des décennies mais c’est un symbole qui vieillit. La parisienne est illustrée comme une jeune demoiselle, fine, grande et surtout blanche. Mais faut-il être né à Paris pour faire partie de cet univers ? Faut-il habiter à Paris pour l’être ? Et serait-ce à dire qu’il faut être fine et blanche pour être l’une d’entre elles ? La parisienne est une image et non pas une culture.

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