Désordre d’images : l’évolution du rapport au cinéma

En cette période cruciale de découverte et transformation des supports de visionnage, le terme « cinéma » n’a jamais été aussi instable. Entre les films pouvant être vus à n’importe quel moment et les plateformes qui s’opposent aux salles, le cinéma se retrouve dans une ère de changement comparable à l’arrivée du parlant ou de la couleur.

Un des premiers changement radical concerne la prédominance de la dimension de divertissement dans le terme. Dans une société de consommation tous les jours plus forte, où s’imposent différents programmes à seul but commercial, l’image est utilisée comme moyen d’abstraction de soi au lieu de révélation, comme un passe temps récréatif au lieu du fruit d’un travail artistique.

Chaque jour, le spectateur se retrouve submergé visuellement par des images toujours plus poussées qui tentent d’attirer son attention au milieu d'un magma de contenus. Il se retrouve confus dans sa démarche de consommation et tend d'appréhender chaque image de la même manière. L’image devient secondaire et sert un besoin de distraction en effaçant toute stimulation. La faute remise trop facilement sur la nouvelle génération et sur les réseaux sociaux révèle en réalité un phénomène beaucoup plus large, affectant différentes générations dans leur rapport et utilisation à l’image.

À l’occasion de la sortie de Les Olympiades, Jacques Audiard déclarait : « Je pense que le cinéma est mort et qu’on ne le sait pas ». Derrière ce message se cache une volonté de redéfinir le terme « cinéma » pour un autre terme comme « régime d’images »; « cinéma » étant dorénavant trop éloigné de sa notion d'origine. Cette redéfinition implique une recherche de nouvelles formes, de rapport au réel et de récit, pour accompagner la nouvelle tendance générale qui ne peut être ignorée. L'expérience cinématographique évolue également, puisque des films destinés au grand écran sont désormais mis à disposition pour un visionnage n’importe où et sur n’importe quel support.

Un des dernier communiqué de presse des sociétés de distribution DIRE et SDI accuse Netflix de mettre en danger l’avenir des salles avec la mise en place du Festival Netflix. Celui-ci consiste à projeter en salle des films qui ne sont pas des films de cinéma. Ce sont des films aucunement dédiés à une exploitation en salles mais à une consommation à la maison, sur petit écran. Il dénonce les stratégies des grandes plateformes, notamment la mise en place de nouveaux festivals à seul but marketing et également un abandon des salles, en offrant aux cinéphiles tout ce qu’ils souhaitent sans quitter leur domicile. Ces actions affectent le futur des salles.

Mais comme tout changement, l’ignorer ne ferait qu'en aggraver ses effets. Pour certains, une issue à cette tempête reposerait principalement sur la volonté des cinéphiles et spectateurs à remettre en question leurs utilisations de l’image, et de les sensibiliser sur les effets condamnables de l’utilisation des plateformes. C’est aussi aux différents acteurs de l’industrie de veiller à la diversité de représentation des formes, au travers de divers films, tout en permettant à la critique d’exercer son travail pour continuer d’éduquer et d’élever les esprits sur le sujet. Enfin, cela repose également sur l’importance des spectateurs de retrouver le goût des salles, sans jamais oublier leur caractère immersif unique. 

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